"Pâturage hivernal : Quand l'herbe d'hiver devient l'or vert pour les éleveurs"

Dans un monde agricole en constante évolution, une pratique ancestrale fait son grand retour, métamorphosée par les défis du 21e siècle : le pâturage hivernal. Loin d'être un simple retour aux sources, cette technique réinventée s'impose comme une réponse audacieuse aux enjeux économiques et environnementaux qui secouent le monde de l'élevage.

Imaginez des prairies verdoyantes en plein mois de janvier, des troupeaux en meilleure santé, et des factures d'alimentation en chute libre. Utopie ? Pas du tout. De plus en plus d'éleveurs français font ce pari, transformant les défis du changement climatique en opportunités concrètes.

Alors, curieux de découvrir comment l'herbe d'hiver pourrait devenir votre nouvel or vert ? Plongeons ensemble dans cette révolution silencieuse qui est en train de redessiner l'avenir de l'élevage, un brin d'herbe à la fois

Des bénéfices économiques tangibles

Le pâturage hivernal génère des économies substantielles :

- Réduction des besoins en fourrages conservés de 40 à 60%, soit plusieurs milliers d'euros d'économies potentielles

- Pour les ovins : économie de 100 à 150 g de concentré par jour et par brebis laitière (0,03 à 0,05 € / brebis / jour)

- Pour les bovins laitiers : augmentation de la production de 2 kg de lait par vache et par jour, soit un gain potentiel d'environ 0,70 € / vache / jour

- Pour les bovins en croissance : des GMQ (Gain Moyen Quotidien) de 650 g/jour observés dans des fermes expérimentales sans apport de concentrés

- Diminution des coûts d'entretien des parcelles : 50 à 100 € / hectare

- Économie de paille estimée à 900 € / an pour un troupeau de bovins

Globalement, on constate une augmentation de l'excédent brut d'exploitation de 13 à 20% pour les élevages ovins.

Des performances zootechniques préservées ou améliorées

- Bovins laitiers : +2 kg de lait / vache / jour

- Bovins viande : GMQ de 650 g/jour en fermes expérimentales

- Ovins : performances comparables à celles obtenues en bergerie

Un impact environnemental positif

- Réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la stabulation

- Entretien naturel des paysages et maintien de la biodiversité

- Amélioration potentielle de la présence de légumineuses dans les prairies

- Diminution potentielle de l'utilisation de produits phytosanitaires

Adaptation au changement climatique

Le changement climatique joue un rôle crucial dans l'évolution des pratiques agricoles, notamment en ce qui concerne le pâturage hivernal :

- Augmentation de la biomasse hivernale : La pousse de l'herbe se modifie avec moins d'herbe en été, mais davantage en automne et en hiver. La croissance hivernale peut atteindre 0 à 15 kg MS/ha/jour dans certains systèmes.

- Hivers plus doux et pluvieux : Les hivers deviennent généralement plus doux, ouvrant de nouvelles opportunités de valorisation de l'herbe par le pâturage. L'hiver 2022-2023 a été marqué par une pluviométrie importante (450 mm de pluie), illustrant cette tendance.

- Le pâturage hivernal devient une stratégie d'adaptation face au changement climatique, permettant de valoriser l'herbe qui ne peut plus être pâturée l'été en raison des sécheresses estivales plus fréquentes.

Perspectives à long terme et changements de pratiques

Face aux projections climatiques à long terme, l'agriculture devra s'adapter :

- D'ici 2100, 8% à 30% des terres agricoles actuelles pourraient devenir climatiquement inadaptées selon les scénarios du GIEC.

- Les rendements des principales cultures sont déjà impactés.

Ces changements induisent de nouvelles pratiques :

1. Transition vers l'agroécologie (recours à l'azote organique, développement des légumineuses, agroforesterie)

2. Adaptation des calendriers de cultures

3. Gestion optimisée de l'eau

4. Préservation des sols (réduction du labourage, cultures de couverture)

5. Diversification des cultures et des variétés

6. Optimisation du pâturage, y compris le pâturage hivernal

Mise en œuvre et recommandations

Pour réussir le pâturage hivernal dans ce contexte changeant :

1. Évaluer les conditions pédoclimatiques de l'exploitation

2. Adapter le chargement (ex : 2 à 3 brebis/ha en ovins viande)

3. Surveiller la portance des sols (seuil critique : 400-500 UGB jours/ha sur prairie permanente)

4. Choisir des parcelles bien exposées et proches de l'exploitation

5. Prévoir des solutions de repli en cas de conditions météorologiques défavorables

6. Utiliser des chemins de qualité et pratiquer des temps de pâturage courts pour limiter les dégradations

7. Choisir des races animales adaptées et pratiquer la rotation des parcelles

Enfin de compte:

Le pâturage hivernal se présente comme une voie intéressante pour l'avenir de l'élevage, offrant des avantages économiques, environnementaux et sociétaux significatifs. Il permet de réaliser des économies substantielles, de préserver les performances zootechniques et de s'adapter aux défis du changement climatique.

Pour les agriculteurs, il s'agit d'une option à considérer pour améliorer la rentabilité de leurs exploitations, tout en répondant aux attentes sociétales croissantes en matière de bien-être animal et de respect de l'environnement.

Pour les politiques et les techniciens, le pâturage hivernal représente une piste à explorer dans le cadre de la transition agroécologique, en tenant compte des spécificités de chaque territoire et des besoins des éleveurs.

Pour les scientifiques, cette pratique ouvre de nouvelles perspectives de recherche pour optimiser les systèmes d'élevage durables face aux évolutions climatiques.

Enfin, pour les citoyens, le pâturage hivernal peut être perçu comme une évolution positive de l'agriculture, favorisant une production alimentaire plus respectueuse des animaux et de l'environnement.

Chaque exploitation étant unique, l'opportunité d'adopter le pâturage hivernal doit être évaluée au cas par cas, en tenant compte des conditions locales, des objectifs de production et des ressources disponibles. Une approche progressive et expérimentale peut permettre de déterminer si cette pratique est adaptée à votre situation et de l'ajuster en fonction de vos besoins.

Bien entendu attention au contexte, en zone montagne et haute montagne cette pratique sera difficilement envisageable en condition hivernale . 

En fin de compte, l'avenir de l'élevage dépendra de la capacité des acteurs à innover, à s'adapter et à faire des choix éclairés pour construire des systèmes agricoles durables, économiquement viables et socialement acceptables. Le pâturage hivernal, parmi d'autres pratiques, peut contribuer à cette évolution positive, à condition d'être mis en œuvre de manière réfléchie et adaptée à chaque contexte. Pensez à vous vous faire accompagner.

Pour en savoir plus :

-Idele:https://idele.fr/aclimel/publications/detail-article?tx_atolidelecontenus_publicationdetail%5Baction%5D=showArticle&tx_atolidelecontenus_publicationdetail%5Bcontroller%5D=Detail&tx_atolidelecontenus_publicationdetail%5Bpublication%5D=3944&cHash=e168ccab418dd1618a902dcb132c8803

- Web-agri : https://www.web-agri.fr/paturage/article/204864/paturage-hivernal

- Chambre d'agriculture de Bretagne : https://bretagne.chambres-agriculture.fr/mes-productions/elevage/bovins-lait/fourrages-et-paturage/paturage-hivernal/

- Arvalis:https://www.arvalis.fr/infos-techniques/paturer-un-couvert-pendant-lhiver-cest-possible

Civam:https://www.civam.org/paturage-hivernal-ressource-a-part-entiere/